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 En soupant lentement sous une treille brune
 Dont les beaux muscats blancs luisaient au clair de lune,
 Tandis que pour moi seul, dans la nuit, un oiseau
 Chantait vers le tilleul, je pensais à Rousseau...
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 Léo Larguier (Rêverie, extrait)
 
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 Je voyais palpiter sa jeune gorge blanche
 Une cerise fraîche entre ses seins glissa
 Quels cris ! Elle la prit, elle me la lança
 Et dans le noir feuillage à l'ombre bleu et verte
 Radieux, je mangeai cette cerise offerte
 Dure, glissante, et lisse ainsi qu'un beau rubis
 Ah ! cerise de juin, doux petit fruits exquis !
 Du bouton carminé, tiède, odorant encore
 Des tiédeurs, des parfums de sa gorge
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 Léo Larguier (d'après "l'idylle des Cerises" dans les Confessions)
 
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 Léo Larguier soldat mystique ô brancardier
 Les vers du caporal plaisent au brigadier
 Ce secteur 114 est-ce Arras ou peut-être
 La ferme Choléra sinon le bois Le Prêtre
 Ici la fraise est rouge et les lilas sont morts
 La couleuvre se love en la paille où je dors
 Quand s'éveille la nuit la Champagne tonnante
 La nuit quand les convois traînent leur rumeur lente
 À travers la Champagne où tonnent nos canons
 Et les flacons ambrés
 Et si nous revenons
 Dieu Que de souvenirs
 Je suis gai pas malade
 Et comme fut Ronsard le chef d'une brigade
 Agent de liaison je suis bien aguerri
 J'ai l'air mâle et fier j'ai même un peu maigri
 Des braves fantassins je connais les tranchées
 Où les Gloires de pourpre aux créneaux attachées
 Attendent que nos bleus les violent enfin
 Au nez de Rosalie épouse du biffin
 
 Êtes-vous en Argonne ou dans le Labyrinthe
 Moi je ne suis pas loin de Reims la ville sainte
 Je vis dans un marais au fond d'un bois touffu
 Ma hutte est en roseaux et ma table est un fût
 Que j'ai trouvé naguère au bord du Bras de Vesle
 Le rossignol garrule et l'Amour renouvelle
 Cependant que l'obus rapace en miaulant
 Abat le sapin noir ou le bouleau si blanc
 Mais quand reverrons-nous une femme une chambre
 Quand nous reverrons-nous Mais sera-ce en septembre
 Adieu Léo Larguier ça barde en ce moment
 105 et 305 le beau bombardement
 Je songe au mois de mars à vous à la tour Magne
 Où est mon chocolat Les rats ont tout croqué
 Et j'ajoute mon cher style communiqué
 Duel d'artillerie à minuit en Champagne
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 Guillaume Apollinaire
 (lettre d'Apollinaire à Larguier, soldats sur le front)