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ODIN
Les coteaux cultivés et la vallée vers la mer étaient, classiquement, semblables à un pantalon de velours de travail, versicolorement rapiécé, lequel, pour montrer ses pièces, aurait fait le chêne fourchu.
Au fond de la fourche, le bois de châtaigniers qui voilent leurs racines de fougères.
Varia ne rencontra, dans son chemin descendant, que des plantes et des bêtes.
Toutes redoutables.
Sur le plateau, avant le versant, les janiques dont les fleurs d'or sont montées, pierre pour métal, en épingles d'émeraude.
Les genêts plus bénins, mais artificiellement fortifiés d'abeilles.
Les épines émoussées par le soleil renouvelées par les grandes lances des feux aux cendres d'engrais.
Les cloportes méticuleusement cuirassés.
Les escarbots de deuil crachaient leur sang, comme une cervelle fraîche s'éclabousse.
Aux épines et aux flammes, la colline accentuant aigu sa chute, succédèrent les glaives des glaïeuls, des herbes tranchantes et les lacets de racines compliquées.
Il n'y avait pas de grenouilles visibles, elle n'entendait pas leurs chutes dans des flaques,
il n'y avait pas encore d'eau.
Les herbes et la terre simulaient le coassement des bêtes.
[...]
Puis les fougères, bouquets de sabres étalés dans les plans d'un herbier, classés par rang de taille; comme des mains ouvertes, qui peuvent donc se fermer; comme des chars armés de faux qui ne marcheraient pas, mais tapisseraient l'intérieur d'un couloir en nasse où l'on est forcé de marcher.
Et comme le gant tout en muscles qui est la pieuvre, fourrée de pustules.
Qui ne sont pas des pustules, mais des spores : techniquement, des sores indusiés.
Inoffensives.
Mais visibles.
La peur dont on ne peut se distraire est de l'inoffensif tout en décor.
Puis, aux coquetiers de la mousse, sous des chênes, les œufs bizarres des vesses-de-loup.
Varia aventura le pied sur une des petites outres de poison, plus molle qu'une paupière.
Doit-on casser l'œuf de la Mort-Rock par le gros bout ou le petit bout?
Elle se souvint que le lycopode, dans les théâtres, déflagre pour des apparitions et disparitions par des trappes.
LOUPS.
Ils trottent assurément sur les feuilles sèches.
Il n'y a par terre que de la mousse.
Mais s'il y avait des feuilles sèches on les entendrait trotter sur les feuilles sèches!
Le bois sans soleil laisse aussi mal évader la Peur qu'une maison fermée.
La fougère est la voûte à jour d'une cave, laissant voir tous les monstres des caves.
Les loups n'y feront point de coupures à leurs pattes, hérissonnées de poils bourrus.
Et leur gueule est beaucoup plus dentelée que toutes les fougères, quoiqu'elle manque de pustules aux dents.
Les dents qui mordent ne se mangent pas entre elles.
Varia ne se retourne pas.
Elle sait si bien qu'ils sont là derrière elle.
Sous deux voûtes d'allées de taillis, leurs poils et leurs dents en avant de leur forme d'ombre.
Comme une paire de cils hors de deux grands yeux.
Elle court
Mais elle est arrivée.
Emmanuel est dans une cahute de douanier à la crête de parapet de la falaise.
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Source: L'Amour absolu, chap. VIII.
Alfred Jarry
par Christian Prigent