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Le palefrenier d'Uranus

- Vous ai-je jamais dit que j'ai été le palefrenier d'Uranus ?

- C'est moi.

- Comment donc ? c'était la vieille jument du colonel de l'école de cavalerie, elle doit être morte aujourd'hui.

- C'est moi !

- Et pourquoi, alors, n'êtes vous plus de couleur jaune ?

- C'est quand même moi.

- Dans ce cas, racontez un peu.

- Je suis Uranus, vous avez été mon confident...

- N'inversez pas les rôles !

- Le temps d'un Carrousel, vous avez été le plus doux et le plus aimant, je peux vous rappeler vos faits d'armes...

- Etats de service plutôt.

- Vous étiez dans le pupitre des tambours, vous avez fini par être mon unique palefrenier.

- Vous étiez une vieille belle.

- Pas si vieille, c'est le colonel qui était vieux. On m'a administré les pires tranquilisants pour qu'il puisse me monter sans se casser ce qui lui restait de couilles. Oh! Vous me faisiez les plus beaux damiers damassés sur la croupe, à la brosse à crin. Je vous aimais.

- Vous rappelez-vous que je me suis endormi debout contre votre encolure ?

- Oui, vous m'aviez sellée avec un tel art, c'était une sellerie d'arme datant du 19ème. Mais comment faisiez-vous pour être aussi prévenant tout en jouant de cet instrument qui me terrorisait ?

- Nous traversions les douves avec nos tambours ! mais à la vérité j'avais dans la poche du genou de mon treillis un très gros livre de Nina Berberova pendant ce Carrousel.

- Vous ne me l'avez jamais dit.

- Vous êtes un cheval.

- Que vous êtes mesquin...

- J'avais d'autres livres et surtout d'autres musiques. Mais ce colonel vous battait non ?

- Oui, il me malmenait et m'humiliait, moi qui était piquée, j'avais changé de couleur d'ailleurs. Il me traitait de "pute" et de "mol anus". Tout le monde avait vu que vous m'aimiez vous savez...

- Un jour, en fin septembre je suis parti, c'était ma quille.

- Sans me dire au revoir... On disait de vous que vous étiez sauvage et fou.

- Ca s'est aggravé. Hélas. Et vous ?

- Je suis dans un champ avec des vaches maintenant.

- Où ça ?

- A Montsoreau.

- Je connais bien là-bas, et la nourriture ?

- Ca va, mais... Et vous au fait ?

- Je n'ai jamais touché à un seul cheval depuis.

- Vous ? vous qui m'auriez mangée !

- Ainsi vous regardez maintenant passer les trains, ça ne vous change pas tellement.

- Vous êtes méchant, ça n'est pas ma faute si les filles et les femmes des équitants aimaient se faire prendre en ma compagnie, elles aimaient l'odeur de l'écurie, disaient-elles.

- Votre odeur oui.

- Et vous, toutes ces filles...

- Arrêtez Uranus, je vous vois venir, je suis parti sans vous dire au revoir justement, à cause de cette vilaine jalousie d'un cheval pour un homme.

- Je suis un cheval mais je pleure.

- Foutaises ! voilà que vous faites les courses hippiques de village sans vergogne comme une vieille garce que vous êtes.

- C'est pour vivre, je fais juste de la figuration.

- A d'autres, je ne fais pas de course en sac pour survivre, moi.

- Vous pourriez allez sur mon dos !

- Ah! oui c'est vrai Uranus, je ne vous ai jamais monté...

- Faites-moi plaisir...

- Oui ?

- Ramenez-moi à Montsoreau dès ce soir.

- Vous reste-t-il des selles d'armes ?

- Vous verrez bien.

- On ira à l'abbaye de Fontevrault ?

- Oui.

- Mais ils ne laisseront jamais entrer un cheval !

- Et l'accès handicapés c'est pour les chiennes ?

- Très drôle Uranus, en tous cas dites-moi un peu... Comment allons nous faire ce soir pour vous mettre dans ma voiture ?

- Vous allez me payer le train mon cher, et vous irez avec moi. J'ai besoin d'un palefrenier.

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