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Emmanuel Bove

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19 octobre 1936

Arrivé hier, vers cinq heures et demie, à Paris. C'était ma troisième sortie après maladie. Les deux premières avaient été d'une dizaine de minutes. Raymond est venu nous chercher en taxi. Fin d'après-midi radieuse d'automne. (Radieux signifie qui a des rayons de lumière.) Soleil sur la campagne. C'était merveilleux.

Le soleil n'avait pas de chaleur. Il n'y avait pas de vent. La journée semblait être sortie du temps, à un moment heureux, et y avoir laissé toutes ses imperfections quotidiennes. L'arrivée à Paris a été plus extraordinaire encore.

Les grandes avenues. Les lumières naissantes, les phares des autos sans force. Il y avait eu alerte contre les avions la veille et les becs de gaz étaient encore bleus. Toutes les couleurs dans le ciel.

Cela, c'est la description sèche. Je voudrais montrer ces nuances extraordinaires. Il faut attendre l'inspiration. Une fin d'après-midi de printemps.

La vie renaît. Des parfums enivrants vous frôlent une seconde.

C'est la belle saison qui s'annonce. Ce n'était pas cela, hier, le 19 octobre et pourtant, c'est la même avidité en moi. Elle a pour cadre, pour but, autre chose : les richesses de l'hiver, les désirs, les secrets. Lu aujourd'hui le Carnet vert de Dabit, dans la N.R.F. Tristesse. Je pense à notre déjeuner à l'Hôtel du Nord. Quel garçon étrange et plein de charme, étrange parce qu'incompréhensible, insaisissable ! Pas de classes sociales. Dans la partie de son cerveau où s'élaborait son oeuvre, il n'y en avait pas. J'en suis certain. C'est peut-être cela qui donnait à tous ses gestes, à tous ses actes, cette aisance, cette absence complète de gêne. Il voyait tout du point de vue des sentiments.
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Emmanuel Bove (journal).

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