Une brève histoire de la rime, du rythme et de la syncope; bref du mythe du XXème : le jazz.
Extrait de « une histoire de la batterie de jazz » de Georges PACZYNSKI TOME I :
« Le mot rythme provient du latin rhytmus qui vient lui-même du grec rhuthmos. En Grèce, au IVème siècle avant J.C., le philosophe Platon en donne la première définition qui nous soit parvenue dans l’histoire de la pensée grecque. Il le relie intimement à la métaphysique par l’ordonnance du mouvement qui s’étendra jusqu’à l’Harmonie des Sphrères. Au cours du même siècle, le philosophe et musicien Aristoxène de Tarente élabore la première théorie du rythme musical. Chez les médecins de l’Antiquité, au 1er siècle avant J.C., rythmus avait pris le sens de « cadence présentée par les mouvements du sang dans les artères ». Le mot grec rhuthmos est issu du verbe rheô « je coule ». L’image aquatique témoigne de la complexité du rythme formé d’éléments d’inégale durée et n’ayant de sens que s’ils découlent régulièrement comme la bobine d’un film aux actions tantôt lentes, tantôt rapides. La racine sanskrite ri (sru, sreu, eru) confirme la racine grecque et évoque la conjugaison de l’image du fleuve et des vagues avec la notion d’un futur qui se passéifie. La nature de l’homme en correspondance avec la respiration du monde a concuru à conférer au rythme cet aspect fluide où la distinction entre le « dedans » et la « dehors » n’existait pas. L’histoire du mot rythme dans la langue française débute vers 1370. On rencontre à cette date le nom féminin rime auquel quelques traducteurs appliquent l’idée de cadence phonique. D’abord orthographié rithme en 1512 et du genre féminin, il désigne la rythmique. Vers 1550, il reçoit le genre masculin (à cette époque il arrive souvent qu’un mot change de genre). Employé au sens et à la place de rime, il [le mot rythme] rejoint aussi le mot vers ou poésie impliquant alors un mouvement musical à la phrase.
Deux rythmes fondamentaux gouvernent le monde en ce temps là. Le premier, parfait, est ternaire et masculin ; le second, imparfait, est binaire et féminin. Le rythme parfait est figuré par un cercle, représentation symbolique d’un centre qui, dans toutes les civilisations traditionnelles, revêt une perspective métaphysique. Bien plus tard, quand on écrira la mesure à quatre temps avec le signe C, il s’agira d’une mesure imparfaite car la lettre C représente un demi-cercle. » on parle de mesure à C barré pour un deux temps -marché.
Voici donc ce qu’il y a d’intéressant dans l’origine du mot rythme ! cette opposition si flagrante aujourd’hui entre binaire et ternaire (rock’n’roll ou swing) est connue depuis l’antiquité sous une drôle de misogynie, sans parler de la discrimination positive à l’égard des noirs et leur fameux sens du rythme (propos tenus par André Ceccarelli en 2004).
Un mot tout aussi intéressant nous replace à l’origine du jazz lui-même, celui-ci ne fait pas l’objet d’une étude approfondie chez PACZYNSKI, c’est le mot syncope. Vous imaginez des jeunes femmes qui s’évanouissent mais vous n’y êtes pas. Avant que le jazz ne commence - la mythologie noire s’est développée plus lentement plus sûrement - il faut tout de même savoir les nacaires (mot d’origine arabe désignant l’ancêtre de nos timbales) des Sarrasins qui attaquent les Croisés et l’association évidente alors avec Satan, la Tentation, revoyez l’enfer des musiciens de Jérôme Bosch (XVème) où le tambour symbolise le Diable et la damnation éternelle.
Reprenons donc ces jeunes femmes qui s’évanouissent en syncope :
« Un genre nouveau de musique populaire apparaît à la fin du XXeme siècle […] : le ragtime – mélange de concepts africains, européens et américains – qui trouve son expression dans un style de piano joué par des musiciens noirs dans les maisons closes des bas-fonds américains blancs. C’est une musique syncopée (de rag : déchirée et de time : temps) […].
La différence entre le style tambour militaire et celui des ragtime drummers réside dans le feeling de ces derniers qui phrasent avec des contretemps et des syncopes pour faire danser le public. »